Nadia Medjad
Après avoir expliqué la notion de confiance*, Nadia Medjad délivre ses conseils pour améliorer la relation client grâce aux nouvelles connaissances sur le cerveau. Nadia Medjad est médecin, experte en neuro-pédagogie, et experte auprès de l’INRC en compétences socio-émotionnelles (soft skills). Elle est aussi co-auteur du livre « NeuroLearning : les neurosciences au service de la formation » (éd. Eyrolles), et fondatrice de Neuro-Ecology Consulting.
 
Que faire pour qu’une bonne relation s’établisse entre deux personnes ?

Pour résumer, notre cerveau a naturellement tendance à se méfier : il cherche à détecter des menaces pour notre survie. A priori, il n’a donc pas confiance et il a même tendance à s’alarmer. D’où l’apparition fréquente d’une émotion négative, la peur, et la nécessité de la prendre en compte – en amont de toute relation !

En pratique, il faut tout faire pour ne pas déclencher ce sentiment de peur. Car dès que cette émotion s’empare du cerveau, celui-ci bascule dans un fonctionnement « dégradé », au sens où il perd ses moyens de fonctionner logiquement. Tout dialogue devient difficile, voire conflictuel et irrationnel.

Comment les marques peuvent-elles créer les conditions d’une relation satisfaisante avec leurs clients ?

L’objectif est de créer un sentiment de sécurité psychologique et émotionnel. Pour y parvenir, il faut systématiquement éviter de créer des doutes. Car comme je viens de l’expliquer, en cas de doute, le cerveau fera la pire hypothèse : la marque est un prédateur qui essaie de me piéger !

Donc, pour éviter les doutes, il est recommandé de tout clarifier. Chaque étape du parcours client doit être d’une clarté cristalline. Ce travail de simplification est coûteux pour les marques, mais il est nécessaire.

L’absence de clarté va générer des doutes, des efforts, des abandons, des questions inutiles, des incompréhensions, voire des conflits. C’est exactement le même mécanisme que pour une rencontre entre deux personnes, comme nous l’avons vu précédemment.

Comment clarifier le parcours client ?

La neuro-pédagogie propose des solutions pratiques et des principes directeurs. Pour n’en citer que quelques-uns :

  • il est recommandé de calibrer la difficulté, c’est-à-dire de réduire le stress lié à la surcharge cognitive chez un individu donné. En clair, il faut personnaliser la relation : ce qui est difficile pour un senior ne le sera peut-être pas pour un millenial. Pour le savoir, mieux vaut faire des mesures et essais, comme des A/B Tests par exemple,
  • les règles du jeu doivent être explicites et transparentes : les marques doivent éviter, par exemple, de créer des CGV incompréhensibles pour qui n’est pas juriste. Plus généralement, le contrat – au sens large du terme – qui est passé entre la marque et son client ne doit pas présenter d’ambiguïtés ou de zones d’ombres.

De plus, il ne suffit pas de clarifier chaque point du parcours d’un client, il faut maintenir son attention et sa motivation !

Comment maintenir un bon niveau d’attention et d’engagement du client ?

Là aussi, on peut proposer quelques solutions pratiques et des principes directeurs éprouvés :

  • Respecter la liberté du client, c’est-à-dire ne pas l’enfermer dans des choix trop limités ou contraignants. Pour rester engagé, curieux, il doit avoir davantage de choix. Ce sentiment de liberté sera encore augmenté si ce client a la possibilité de s’exprimer, de manifester ses préférences, de les partager, etc.
  • Augmenter le sentiment de réussite en multipliant les petits succès. Des expériences scientifiques montrent que, sur un parcours, nous préférons la succession de petits succès à une récompense finale plus importante. L’idée est donc de nourrir la motivation, de donner régulièrement du feedback, en adoptant par exemple certains principes de gamification.
  • Renforcer le sens, c’est-à-dire permettre au client de comprendre que son intérêt pour un produit ou que son achat se situe dans un contexte plus général, chargé de sens : l’environnement, la famille, la santé, etc.
Comment les valeurs et l’éthique de la marque sont-elles perçues et évaluées par le client ?

Notre cerveau et notre esprit ont fondamentalement besoin de sens. Au moment d’agir, l’individu doit se sentir en phase, en cohérence avec ses propres valeurs. Si ce n’est pas le cas, des sentiments négatifs, comme le doute ou la culpabilité, vont s’imposer. La décision sera abandonnée ou ajournée.

D’où l’importance, pour les marques, d’afficher et surtout d’incarner des valeurs motivantes et authentiques. Le manque d’authenticité étant perçu comme une tromperie, voire comme une attitude de mépris du client.

De plus, il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas des individus isolés : nous avons un « cerveau social ». La marque ou son produit doit permettre et même favoriser la création ou le renforcement de nos liens sociaux.

En conclusion, quels sont les apports et les limites de la neurologie dans la relation entre la marque et son client ?

Les marques peuvent désormais s’appuyer sur certaines avancées de la neurologie. Il y a cependant des limites éthiques à respecter – par exemple, telles qu’elles ont été posées par le neurologue américain Robert Lustig (auteur de The hacking of the American Mind).

Historiquement, certains travaux de recherche en neuro-marketing avaient été axés sur la création ou le renforcement d’un lien d’addiction entre la marque, le produit et son client. Cette approche, moralement condamnable, est aussi devenue très risquée.

Au final, la neurologie peut apporter beaucoup à la relation entre les marques et leurs clients, à condition de respecter les personnes et afin de créer une solide relation gagnant-gagnant !

 


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