Avec Daniel Ray, professeur de marketing et Responsable de l’Institut du Capital Client au sein de Grenoble Ecole de Management, nous essayons de découvrir ce qui forme la réalité d’une culture d’entreprise. Pour cela, Daniel Ray s’appuie sur l’expérience accumulée auprès de plus de 100 entreprises, dans le cadre de la méthode COS® (Customer Orientation Score®) qu’il a mise au point à partir des recherches scientifiques du domaine. Celle-ci permet de mesurer l’écart entre les intentions affichées et la réalité d’une culture d’entreprise. Et surtout, au-delà du diagnostic, d’engager les transformations nécessaires !
Qu’est-ce qu’une culture d’entreprise ? Quelles sont les incompréhensions fréquentes à ce sujet ?
Daniel Ray : Faites le test : demandez à des collaborateurs de définir, en quelques mots, ce qu’est une culture d’entreprise. Puis comparez les réponses. Vous verrez surgir de nombreux malentendus ! C’est notre constat numéro un après des années de recherches et des milliers de tests : ce qu’est une culture d’entreprise – et donc comment faire pour la rendre plus orientée client – n’est que rarement connu des collaborateurs. D’où l’intérêt de cette définition, proposée par Deshpandé et Webster : une culture d’entreprise, c’est un « modèle partagé de valeurs et de croyances qui permet aux individus de comprendre le fonctionnement organisationnel et ainsi leur transmet les normes de comportement souhaitées au sein de l’organisation ». Quant à l’erreur la plus fréquente : confondre la culture de l’entreprise et l’amélioration de l’expérience client – alors que la première doit donner vie à la seconde.
Quelles sont les conséquences de cette incompréhension ?
D. R. : Les entreprises ont tendance à se rassurer avec un triptyque « normes-process-KPI » qui prétend matérialiser leur culture. Mais ce triptyque n’est qu’un reflet de la culture d’une entreprise – et surtout de ses carences –, donc sa mise en place échoue le plus souvent. Car le risque est que chaque collaborateur, à la manière d’un mauvais acteur, y joue un rôle de composition, sans conviction ni intelligence, au lieu de jouer d’instinct, guidé par des valeurs et croyances assimilées de façon naturelle. Une culture ne se décrète pas, elle se vit. C’est elle qui aligne les forces de l’entreprise, bien en amont des « normes-process-KPI ».
En quoi consiste la méthode COS® ? Que peut-elle apporter ?
D. R. : Dans un cadre de recherche, notre constat numéro deux, c’est que les directions d’entreprise ne savent pas auditer leur propre culture, et donc ne savent pas quoi faire pour la changer. Notre démarche consiste donc à mener une double investigation. Le diagnostic COS Employee® porte sur les croyances et les valeurs individuelles des collaborateurs. Il repose sur les neurosciences et permet de mesurer l’effort que doivent
faire ces personnes» pour penser et agir dans l’intérêt du client. Et le diagnostic COS Company® mesure les croyances et les valeurs ressenties au quotidien par les collaborateurs, et venant de l’entreprise. Ce double audit va souvent mettre en évidence de profondes différences entre les filiales, les magasins et les équipes d’une même marque. Ces différences appelleront des actions de correction de la culture client très ponctuelles et spécifiques, quasi chirurgicales.
Quels sont vos conseils pour changer la culture de l’entreprise ?
D. R. : Cela m’amène à notre constat numéro trois : trop d’entreprises se contentent d’un diagnostic et abandonnent leur projet de transformation culturelle au profit d’un n-ième projet mirobolant ! Donc, en premier lieu, ne vous arrêtez pas au diagnostic et faites du changement de culture votre priorité absolue. Car comme l’a parfaitement résumé Lou Gerstner, ex-Président d’IBM, « la culture n’est pas un aspect du jeu, c’est le jeu lui-même ! ». Ensuite, vous aurez besoin d’une impulsion stratégique : votre direction générale doit être convaincue et en première ligne. Mais attention, ne faites pas de « customer washing », qui consiste à s’afficher comme étant orienté client alors qu’on ne l’est pas. Enfin, travaillez à deux niveaux : obtenez de nombreux petits résultats à très court termes et engagez des actions sur le plus long terme. Faites de ces petits résultats des quick wins et vous verrez que le changement de culture n’est pas une montagne à gravir ! C’est au contraire une source de rentabilité et de bonheur au travail.
Des exemples de petits changements ?
D. R. : Demain, lors de votre comex, nommez un « représentant du client ». Il aura le droit de recentrer les échanges sur cette question fondamentale : cette décision m’apporte (ou me retire) quoi, à moi, client ? Un autre exemple de bonne pratique, dans un centre de relation client : quand le dialogue avec le client se passe mal, transférer l’appel à un autre collaborateur. Cela semble être une déresponsabilisation, un non-respect du process, alors que c’est souvent une décision courageuse qui défend les intérêts du client. Et donc, à terme, ceux de l’entreprise.
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