L’incertitude est là, et elle pourrait s’installer dans la durée. Plutôt que de s’imaginer cette période comme transitoire, mieux vaut l’aborder de front et la considérer comme le « new normal ». Pour voir le positif, les marques ont ainsi l’occasion de se recentrer sur leurs fondamentaux, c’est-à-dire de les consolider activement. Attention toutefois à ne pas se replier de façon défensive : les clients attendent des marques qu’elles mettent enfin le cap, sans ambiguïté, sur la soutenabilité et l’éthique. Aujourd’hui, plus qu’hier, nourrir la confiance est donc un enjeu stratégique. Pour y parvenir, les pistes sont nombreuses et prometteuses. Nous en abordons quelques-unes avec nos trois invités.

En cette période d’incertitude, l’objectif général reste pourtant le même : les marques doivent parvenir à satisfaire leurs consommateurs, mais aussi leurs collaborateurs, actionnaires et investisseurs ! Pour cela, pas de formule magique, mais des efforts soutenus dans tous les compartiments du jeu : de l’étiquetage du produit au management, en tenant compte des contraintes induites par la RSE et la cyber-sécurité. Constats et conseils.

Etiquetage

Par son acte d’achat, le consommateur responsable cherche à maximiser son impact positif – ou à réduire son impact négatif – sur l’environnement et la société. Cette démarche citoyenne est un acte de pouvoir qui équivaut à un vote : le consommateur responsable apporte publiquement son soutien au produit ou à la marque alignés avec ses valeurs. D’où un besoin d’informations précises et fiables lui permettant d’estimer et revendiquer l’impact environnemental, social et économique de son achat. Tendance : grâce à des plateformes comme compareethics.com, des étiquetages comme le PlanetScore ou des partenaires comme ClimatePartner, les marques peuvent valoriser ces infos, en tenant compte des réglementations anti-greenwashing.

RSE

Quelles tendances, côté RSE ? La pression des investisseurs américains monte d’un cran. L’année 2022 enregistre le plus haut volume de propositions d’actionnaires depuis 5 ans, marqué par la croissance de celles liées au climat et aux engagements sociaux. À l’inverse, les votes sur le say-on-pay (la transparence sur la rémunération des dirigeants), ont plutôt baissé. Du côté des consommateurs, allergiques au greenwashing, il y a probablement un besoin d’y voir plus clair face à la multiplication des sigles et autres labels d’engagement.
Pour exemple, en France, 87 % des personnes interrogées sont favorables à l’instauration d’un indicateur simplifié pour mesurer l’engagement des entreprises, et les 3/4 expriment de la méfiance envers les entreprises engagées.

Managers

Seuls 17 % des 10 millions de managers de l’UE ont déclaré avoir reçu un enseignement ou une formation sur la soutenabilité. D’où l’initiative de promouvoir un leadership durable dans le monde du travail, soutenue par CEC European Managers et la Commission Européenne. Dans leur rapport, les auteurs résument le principal objectif : passer d’une logique managériale de “command-and-control” à un accompagnement qui repose sur le coaching, la facilitation et la montée en compétences des collaborateurs sur le thème de la soutenabilité. Facteur clé de réussite : développer le dialogue social.

Cercles vertueux

Pour les entreprises innovantes, l’économie circulaire apparait comme un levier de croissance et non comme une complication supplémentaire. Pour exemple, le secteur du vêtement de seconde main est appelé à croitre plus vite que celui de la fast fashion. Cette promesse de circularité sera attractive et rassurante pour le consommateur éthique si elle s’appuie sur une traçabilité probante. Pour atteindre de tels objectifs, les entreprises gagnent à créer des synergies avec des ONG, des associations et des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Quant aux grands enjeux écologiques et sociaux, ils peuvent être adressés en créant ou en rejoignant des consortiums comme la Wellbeing Economy Alliance ou Frontier Climate. Ainsi se créent de nouveaux cercles, petits et grands, de plus en plus efficients et vertueux.

Transilience

Au-delà de la simple résilience, la transilience est un changement d’attitude radical face à un contexte d’incertitude. L’idée est de transcender cette incertitude en recherchant activement de nouvelles possibilités d’innover, comme l’expliquent Nathan et Susannah Harmon Furr dans leur livre The upside of uncertainty. Les auteurs ont mené l’enquête auprès de leaders d’entreprises, avant d’en déduire une approche et 30 outils à mettre en place. Ils nous invitent d’abord à changer de mindset afin de se libérer de notre aversion pour l’incertitude, laquelle bride toute créativité. Auteurs et leaders interviewés parviennent à prouver que l’incertitude est stimulante, en fait, tant sur un plan professionnel que personnel.

Digital trust

Les consommateurs manquent de confiance en matière de protection de leurs données personnelles surtout en Allemagne, Australie, Royaume-Uni et France. Cette défiance concerne notamment les entreprises de médias et de divertissement. Plus de la moitié des répondants estiment qu’un renforcement des dispositifs de protection devrait être obligatoire. Selon McKinsey, les entreprises les mieux positionnées en matière de sécurité numérique sont aussi les plus performantes en termes de croissance annuelle des ventes. Quant aux CEO de 89 pays, ils considérent que les risques cyber sont la menace n°1 pour la croissance de leur entreprise, selon PwC.

Influence responsable

Relais de communication incontournables, les influenceurs sont aussi porteurs d’un risque réputationnel. Principal danger, la tendance de certains à vanter l’ultraconsumérisme : la belle vie c’est pouvoir tout s’acheter ! Point de vigilance : seuls des influenceurs responsables pourront rassurer les jeunes générations, très méfiantes et sujettes à l’éco-anxiété. En France, par exemple, l’ARPP invite déjà les influenceurs vertueux à se doter d’un certificat d’influenceur responsable.

Carole Brion, Directrice Service Client chez Carrefour

« Chez Carrefour Service Client France nous devons gérer 22 000 contacts par jour. Pour cela, nous nous appuyons sur nos deux équipes internes et sur celle de Webhelp pour l’e-commerce. En cette période d’incertitude, nous constatons que les interactions avec nos conseillers sont davantage chargées émotionnellement. Nos clients ont encore plus besoin de parler et d’être rassurés, ce que nous comprenons parfaitement. Ce contexte difficile renforce ma conviction qu’il faut centrer la relation client sur l’humain.

C’est pourquoi, en ce qui concerne Webhelp, nous fonctionnons en partenariat, c’est-à-dire dans une logique one team de proximité forte avec nos clients. Nous sommes également alignés sur la façon de travailler avec nos collaborateurs : afficher des valeurs fortes, les appliquer, se montrer exemplaires, rester à l’écoute… Cela nous semble indispensable, face à un environnement anxiogène dans lequel on pourrait perdre ses repères. Mon adage est donc de « garder la tête froide et de cultiver le positif ». »

Olivier Carrot, Global Business Unit Executive Director chez Webhelp

« Toutes les marques cherchent à créer un lien émotionnel avec leurs clients afin de les fidéliser. Dans un contexte global d’incertitudes renforcées, cette démarche devient essentielle. Chez Webhelp, nous réfléchissons aux différentes techniques de formation et de management qui nous permettraient de renforcer la prise en compte des émotions dans l’expérience client. Il en résulte notamment une expertise forte en matière de compétences comportementales et de soft skills.

Pourtant, dans les métiers de la relation client, le constat général est que l’organisation continue de se structurer autour des process, et non autour de la prise en compte de l’émotion du client dans un but ultime de fidélisation.

Le conseiller doit pourtant réussir à aligner le besoin émotionnel du client avec les valeurs de la marque, sans émettre de jugement. En cette période d’incertitude – plus que jamais – les notions d’écoute empathique et d’intelligence émotionnelle méritent d’être revisitées et revitalisées. »

Chris Bryson, Managing Director, Global Analytics chez Gobeyond Partners (UK)

« Comment analyser l’incertitude des consommateurs ? Une première approche consiste à rechercher les aspects qualitatifs qui pourraient être à l’origine de cette incertitude. Par exemple, les attributs de personnalité ou les émotions affichées dans les conversations.

Dans une seconde approche, on va d’abord analyser des comportements problématiques, comme l’attrition, et suivre leur évolution dans le temps, l’objectif étant de détecter rapidement les premiers signaux d’alerte. Ensuite, il est judicieux d’étudier plus finement le sous-ensemble des consommateurs dont le comportement varie le plus, afin de le caractériser ou le modéliser.

Au final, toutes ces données vont permettre d’engager des actions correctrices, par exemple en intervenant directement auprès des clients, ou bien en formant les équipes de première ligne au repérage des signaux d’alerte et aux réponses à apporter. »